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30. November -0001 LE MONDE

LE MONDE | 21.08.04 |

Au bord de l'Adriatique, la mémoire des images des guerres de notre temps

En Croatie s'ouvre le premier musée consacré a la photographie des conflits armés.

Dubrovnik (Croatie) de notre envoyé spécial

C'est dans une maison d'Antuninska, étroite ruelle au coeur de la forteresse de Dubrovnik, que le musée War Photo Limited a ouvert ses portes, avec une ambition : raconter la guerre en images.

War Photo Limited est né de la rencontre entre deux hommes, deux amoureux de la Croatie et de la photographie : un millionnaire belge passionné d'art, Frédéric Hanrez, 40 ans, et un photographe néo-zélandais, Wade Goddard, 34 ans, aujourd'hui propriétaire et directeur du musée.

Le premier débarqué dans les Balkans, c'est Wade Goddard. Electricien sur des lignes a haute tension en Nouvelle-Zélande, il arrive a Mostar en guerre en 1992, "comme un idiot, avec deux boîtiers", dit-il, pour se lancer dans le photojournalisme. Durant sept ans, Goddard documente les conflits de Bosnie-Herzégovine et du Kosovo pour l'agence Sygma, avant de s'installer a Zagreb pour une histoire d'amour. La, il décide que c'en est fini avec la guerre. "Mes amis sont partis couvrir d'autres points chauds. Moi, ma fille venait de naître. Je ne voulais pas aller en Afghanistan." Fred Hanrez arrive pour sa part a Dubrovnik en 1993, tandis que la ville panse encore ses plaies. Descendant d'une famille d'artistes, de marchands d'art et de mécanes, enrichi au gré de ses pérégrinations (import-export de chaussures, immobilier, restaurant a Barcelone, aujourd'hui gaz en Indonésie et discothaque a Bruxelles), Fred Hanrez achete des maisons dans le vieux Dubrovnik, et cherche une idée...

"C'est ici, au café Festival, que j'ai eu l'idée d'un musée de la photographie de guerre contemporaine, se souvient Fred Hanrez. D'une part parce que j'ai toujours aimé l'art, et d'autre part parce que je connaissais Wade et d'autres photographes de guerre. Et puis, je crois que l'important dans la vie, c'est de donner. Je crois au mécénat. Je ne donne rien a la Croix-Rouge mais je claque mon fric dans un musée, un lieu dont je veux qu'il devienne éducatif."

Fred Hanrez veut faire de War Photo Limited "l'endroit incontournable de la photographie de guerre dans le monde d'ici dixa vingt ans", un musée ou "les photographes de guerre contemporains peuvent s'exprimer sans aucune contrainte". La structure ne se contentera pas d'exposer les photographes mais les aidera a financer leurs tirages, livres, ouvres multimédias. Et Hanrez veut par ailleurs, "a raison d'une centaine de photos par an", constituer "une collection unique que nous serons fiers d'exposer a New York ou Paris". Il achete des images aux photographes exposant rue Antuninska et a d'autres. Sa collection sera datée historiquement : elle commencera aux alentours de 1990, avec les conflits yougoslaves. Je veux etre contemporain. Je veux découvrir des talents. Et je veux raconter une histoire, celle du monde dans lequel je vis."

Apres une discrete mise en route, les deux salles d'exposition de War Photo Limited ont ouvert officiellement le 1er juin. Les deux expositions qui se relaient cette année, "A Decade of War" (Une décennie de guerre en ex-Yougoslavie) et "War : USA-Afghanistan-Iraq", de l'agence VII, correspondent a ce choix, couvrant le temps qui va de Vukovar en 1991 jusqu'a Bagdad en 2003.

"A Decade of War", qui sera a nouveau accroché a partir du 20 septembre, réunit dix photographes : une salle accueille Ron Haviv et son exposition personnelle Blood and Honey ; l'autre salle expose Darko Bandic, Yannis Behrakis, Jan Grarup, Srdjan Ilic, Jon Jones, Claus Bjorn Larsen, Christopher Morris, Noël Quidu et Andrew Testa.

Jusqu'au 17 septembre, on peut voir l'exposition de l'agence VII inspirée du livre War : USA-Afghanistan-Iraq (éd. de MO, 2003), qui réunit des tirages de Christopher Anderson, Alexandra Boulat, Lauren Greenfield, Ron Haviv, Gary Knight, Antonin Kratochvil, Christopher Morris, James Nachtwey et John Stanmeyer.

"LA GUERRE N'EST JAMAIS JOLIE"

Mais War Photo Limited ne se contente pas d'accrocher les images. Pour accompagner A Decade of War, des photographes (Chris Morris, avec une collection d'une violence extreme, ou Noël Quidu) ont choisi de projeter leurs images de dix années de conflits balkaniques. Le cinéma présente une ouvre de Ron Haviv melant photo et son sur les trois semaines d'offensive américaine en Irak, dont le public affirme sortir abasourdi, tandis que d'autres écrans montrent le travail d'Alexandra Boulat a Bagdad, ou La Bataille pour le pont de Diyala, photographiée au plus pres par Gary Knight. Et le musée sert aussi d'agent pour les photographes, vendant leurs tirages a Dubrovnik et sur Internet.

Fred Hanrez a, outre son ambition de collectionneur d'art, deux préoccupations : "la liberté du photographe" et "l'envie de toucher un public occidental qui se croit souvent a l'abri de la guerre". Wade Goddard tient pour sa part un discours pacifiste : "War Photo Limited veut adresser le message que la guerre ne mérite jamais d'etre faite, qu'elle n'est jamais ni propre ni jolie, mais sale et impardonnable. Je veux montrer au public ce qu'il ne voit pas dans la presse, les photographies les plus dures. Et ici, les photographes ne dépendent pas d'un journal ou d'un éditeur, ils s'adressent directement aux gens."

War Photo Limited accueille ceux qui viennent a Dubrovnik pour la plage et les calamars grillés, et qui découvrent les guerres de ce monde. "Dubrovnik est un lieu idéal, dit Wade Goddard, parce qu'il y a eu en ex-Yougoslavie le pire conflit européen depuis la seconde guerre mondiale, mais aussi parce que nous pouvons toucher des centaines de milliers de gens venus de tous horizons."

C'est la photographie de guerre a portée de tous, présentée par ses auteurs. Les photographes de guerre, de plus en plus déçus par la presse illustrée, souvent amers par rapport a la présentation de leurs images, se pressent d'ailleurs d'évoquer leurs désirs avec Hanrez et Goddard.

Rémy Ourdan

30. November -0001 Travel Guide critics

LONELY PLANET - Croatia, Jeanne Oliver, edition 2005

For a change from the ancient and the artsy, try the excellent WAR PHOTOS LIMITED managed by former photojournalist Wade Goddard. The award-winning photos on display here concentrate on the subtleties of human violence rather that on its carnage. The permanent exhibition focuses on the Balkan wars but temporary exhibits will include other wars.

THE BRADT TRAVEL GUIDE - Croatia and Dubrovnik, Piers Letcher, edition 2005

WAR PHOTO GALLERY
Continue down Prijeko for most of its length - or if it's already approaching lunchtime consider avoiding the touts by walking along the old city's uppermost street, Peline, which gives great views down the steep-stepped streets crossing Prijeko - and then turn left down Antuninska, where you'll find the extraordinary Dubrovnik War Photo gallery.

It's one of the city's newest and most moving galleries, and I can't recommend a visit too highly. Specializing in first-rate temporary exhibitions by the world's greatest modern-war photographers, the gallery aims, as the New Zealand-born director Wade Goddard says, “to strip away the Hollywood image of war, to replace the glamour, the heroic bravura, the “only the bad guys suffer“ image of war, with the raw and undeniable evidence that war inflicts injustices on all who experience it.'

It would require a heart of stone to come away unmoved by the extraordinary (and often painful) images. When I visited in the summer of 2004, Ron Haviv's breathtaking “Blood and Honey“ collection was on show - “bal“ being Turkish for “honey“ and “kan“ being Turkish for “blood“. Haviv won the World Press Photo award for his iconic pictures of the fall of Vukovar in 1991, and is one of the cofounders of agency VII (see www.viiphoto.com).
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